"Centre spirituel ignatien sur Internet", le site Notre Dame du Web, fondé par un jésuite, expérimente la prière en ligne depuis un an.
Edgar Pansu |
"
Les gens galèrent pour prier. Lorsqu’ils se rendent compte que d’autres ont la même difficulté, ça les aide". C’est avec ce genre de constat que Thierry Lamboley fait passer une idée a priori plutôt saugrenue : faire du Net un outil pour le recueillement. Jésuite à la quarantaine juvénile, il a créé en mars 2000 Notre Dame du Web. Un site qu’il anime avec un autre membre de la compagnie de Jésus et deux sœurs du Cénacle, une communauté se réclamant également d’Ignace de Loyola, le fondateur. L’objectif : établir une porte d’entrée vers une expérience spirituelle sur le réseau. "
L’outil multimédia et les communautés virtuelles étant souvent tournés vers l’univers du jeu vidéo, ils peuvent entraîner les gens dans un imaginaire proche de la névrose. On voulait proposer quelque chose de différent", explique Thierry Lamboley.
Cyber-retraites et « pack Carême »
Notre Dame du Web -ND-web en abrégé- propose tout d’abord un support à la prière : des conseils pratiques, issus de la tradition jésuitique et des Exercices spirituels, oeuvre d’Ignace de Loyola ; des œuvres d’art et des extraits des évangiles mis en relief par l’hypertexte et le roll-over ; une "prière continue" que les internautes développent jour après jour au fil de leurs aspirations. Curieusement, le site renvoie vers les infos de TF1.fr, afin de prier sur l’actualité. Pour autant, Thierry Lamboley n’en appelle pas à se lamenter sur la misère du monde : "il s’agit plutôt de faire sortir les gens d’un constat négatif sur la vie, de trouver Dieu en toute chose, comme le suggère la spiritualité ignatienne". Pourquoi TF1 ? "Parce que c’est plus facile de prier à partir d’un site qui propose systématiquement des photos". Les animateurs de ND-web ont cherché à aller plus loin en concevant des retraites en ligne. Avant Noël ou pendant le Carême, les internautes inscrits peuvent par exemple recevoir un matériel de prière dans leur boîte aux lettres électronique. Une sorte de "pack" délivré presque quotidiennement où figurent des liens vers la prière du jour, des textes destinés à faire le relais avec la messe du dimanche et un accès au forum de discussion. "Nous tenons vraiment à ce que les personnes échangent entre elles", explique Thierry Lamboley. Il n’aspire pas à ce que les retraitants nouent une relation interpersonnelle avec tel ou tel animateur du site : "D’une part, la difficulté pour interpréter correctement les messages écrits fait que le ton monte vite. Mais surtout, nous ne voulons pas devenir des directeurs spirituels en ligne, sans rencontrer physiquement les personnes". En somme, le site est conçu davantage comme un déclencheur pour ceux qu’une vraie retraite effraie. Le cas échéant, ND-web renvoie les internautes vers des prêtres en chair et en os.
Groupe de prière virtuel
"Les personnes insérées dans l’Eglise nous disent souvent qu’il manque la relation interpersonnelle mais en fait le site n’est pas conçu pour eux", poursuit le jésuite selon qui Notre Dame du Web se destine avant tout "aux gens qui se disent de culture catholique" mais n’ont jamais vraiment pratiqué. D’autres sessions de retraites, courant sur trois semaines, voient les forums se gonfler de messages où cohabitent les propos de personnes de sensibilités souvent très différentes. "Ils auraient du mal à se retrouver au sein d’un même paroisse", analyse Thierry Lamboley, chargé de modérer les forums. "Il faut leur apprendre à ne pas tout dire, à garder parfois leurs réactions pour eux ou à dédramatiser, lorsqu’ils estiment que leur prière est un échec", sourit Lamboley. La charte du site les engage à ne pas porter de jugement sur les propos tenus par les autres. Certains abandonnent très vite. Le cyber-jésuite évalue l’érosion à un quart des inscrits. D’autres, qui ont voulu prolonger l’échange, ont créé un groupe de prière virtuel. Cinq personnes réparties entre Montréal, la France et la Terre de Feu, qui échangent régulièrement via le réseau.
Faut que ça flashe
Persuadé depuis quatre ans de l’importance pour les Jésuites d’être présents sur le Net, Thierry Lamboley travaille à la section Web du groupe de presse catholique Bayard Presse tout en s’occupant de Notre Dame du Web. Il met lui-même le site en pages de façon complètement artisanale. Sans avoir bénéficié de publicité, ND-web affiche le score modeste de 80 visites par jour et revendique 350 abonnés à sa liste de diffusion. Cela suffit à Thierry Lamboley pour croire dans la validité de son projet. Il compte désormais passer à la vitesse supérieure, proposer davantage de retraites, certaines plus longues. La communauté virtuelle sera en partie financée par les dons des retraitants et en partie par les Jésuites. Le site sera un peu plus pro. Avec, pourquoi pas, des animations flash. Afin, n’hésite-t-il pas à dire, "de tenter des choses de Dieu au sein de ce qui fait l’univers familier des gens".