Le lancement mardi 25 de l’énorme campagne de défense de la confidentialité en ligne se fait sous l’égide de TRUSTe. Une association qui rassemble les géants du Net (Microsoft, AOL, Yahoo !...) et suscite la polémique.
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Les titans de l’Internet ont mis de côté leur rivalité pour s’unir dans une campagne sur la confidentialité en ligne" titrait lundi le magazine CNet. Et de faire pleuvoir les chiffres de cette campagne du groupe Privacy Partnership (PP) : des pleines pages de pub dans près de 30 quotidiens et plus de 300 000 dollars de bannières sur le Web. Il faut dire que PP rassemble du beau monde : de Microsoft à AOL, en passant par IBM, Intel, Yahoo ! ou Netscape.
Derrière cette débauche de bons sentiments consensuels, il y a une organisation californienne à but non-lucratif, TRUSTe (prononcez "treusti"). Créee en 1996 par Lori Fena et Charles Jennings, elle regroupe plus d’un millier d’entreprises. Sa devise (très américaine) : "Construire un Web dans lequel vous pouvez croire". En clair, faire respecter à l’industrie en ligne une charte de bonne conduite en matière de confidentialité des données. TRUSTe vérifie auprès de ses adhérents qu’un certain nombre de précautions ont été prises : quel type d’information est recueillie, comment elle est utilisée, qui y a accès, etc. Si elle est satisfaite, TRUSTe appose son logo (voir image) sur le site, comme un label. Sa petite bannière est la plus répandue de tout le Net.
Pas pressée de faire le ménage
En théorie, TRUSTe est chargée d’examiner, par des tests réguliers, si les engagements sont tenus, d’enregistrer les plaintes des consommateurs et éventuellement d’alerter le Département d’...tat au commerce (FTC) qui peut engager des poursuites. Récemment, elle dénonçait Toysmart, filiale de Disney en liquidation (lire La FTC traîne Toysmart en justice), laquelle s’apprêtait à vendre ses fichiers clients par petites annonces ! Mais elle n’a pas toujours mis un zèle farouche à faire le ménage dans ses rangs. En témoigne son indulgence manifeste à l’égard de la firme RealNetwork et son plug-in RealJukebox, accusé en novembre 1999 de collecter et receler des informations confidentielles (lire RealJukebox est un espion). Ou encore à l’égard de Microsoft, attrapé en mars de l’année dernière parce que son Windows 98 était un peu trop indiscret. Et TRUSTe a eu beau avancer qu’il s’agissait de logiciels, pas de sites, et qu’elle était incompétente en la matière, ses dénégations n’ont pas convaincu. Surtout quand on sait que la cotisation des adhérents est calculée en fonction de leur chiffre d’affaires et donc que des géants comme Microsoft sont d’énormes bailleurs de fonds. Car, contrairement à notre Commission nationale informatique et liberté (Cnil), TRUSTe est totalement privée. Et pas de confusion : elle ne se bat pas pour des idéaux abstraits, mais très concrètement pour "accélérer la croissance de l’industrie sur Internet". Elle ne s’en cache pas : elle se dit avant tout au service des entreprises. "Pourquoi l’auto régulation est-elle si importante ? demande-t-elle dans sa foire aux questions. Une réglementation gouvernementale de l’Internet aurait des chances d’être plus rigide, plus chère à mettre en œuvre et difficile à abroger." En clair : il faut que les entreprises se tiennent à carreau si elles ne veulent pas que l’...tat américain soit obligé de s’en mêler...
Bientôt
un label qualité de la Cnil ?
En France,
la Commission nationale de l’informatique et des libertés na
pas le droit dapposer un label sur un site. Du moins pas encore. Car
dici la fin de lannée, à loccasion de la
révision de la loi de 78 qui a donné le jour à
la Cnil le législateur français réfléchit
à la possibilité de lui octroyer ce pouvoir. Ce qui, paradoxalement,
réjouirait plutôt les entreprises. "Il y a énormément
de start-ups qui nous réclament ce label, sétonne-t-on
à la Commission. Cest un gage de confiance donné à
leurs clients." Naturellement, pour être cohérent, il
conviendrait de donner à cette nouvelle Cnil un pouvoir quelle
ne possède pas : celui de poursuivre en justice ceux qui dérogent
à ses prescriptions.
Mais la Commission voit plus loin encore : la possibilité de créer
un mécanisme européen de contrôle de qualité,
baptisé EUP (European Union Privacy). Il autoriserait toute entreprise
(native du Vieux Continent ou dailleurs) à recevoir une estampille
agréée par les autorités élues de lUnion
européenne et non plus seulement par une corporation professionnelle,
comme cest le cas pour TRUSTe.
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