Une étude Merrill Lynch montre que les valeurs technologiques sont encore surévaluées en Bourse. Pourtant le Nasdaq, a déjà chuté de plus de 50 % depuis un an. Qui faut-il croire ?
La chute des valeurs technologiques en Bourse n’est peut-être pas finie. C’est en tout cas ce que laisse entendre une étude de Merrill Lynch. En se penchant sur les comptes de 37 sociétés de haute-technologie cotées à Wall Street, les analystes de la banque d’affaires américaine ont constaté que les résultats réels de ces entreprises sont inférieurs de 25 % en moyenne à ce qu’elles indiquent dans leurs comptes. " Conséquence, tranche Steve Milunovich, l’un des co-auteurs de l’étude, ces entreprises sont aujourd’hui surévaluées en Bourse ".
Les stock-options profitent aux entreprises
Le " reliftage " des comptes auquel Merrill Lynch fait ici allusion n’est pas nouveau. Mais il semble avoir d’avantage d’impact sur les résultats des entreprises de technologie. Notamment parce que la distribution de stock-options y est monnaie courante. Et que, sans entrer dans d’obscurs détails comptables, ces plans de stock-options permettent aux entreprises américaines d’obtenir d’importantes réductions d’impôts. Or, ces réductions contribuent à l’amélioration, parfois substantielle mais toujours artificielle, des résultats des sociétés concernées. Ainsi, poursuivent les auteurs de l’étude, sur la base des revenus de l’année 2000, le résultat net d’AOL - devenue depuis AOL Time Warner - apparaît surévalué de 63%. Celui d’Ericsson de 94% ; celui d’Oracle de 81% ; celui de Sun Microsystems de 24%... Le cas de Yahoo ! a été traité à part, puisque son résultat net serait surévalué de 1801% ! Globalement, résume Steve Milunovich, " nous observons sur ces trois dernières années une détérioration de la qualité des résultats des entreprises ". Conclusion, si le Nasdaq a bien repris quelques couleurs récemment - il est repassé de 1620 points en mars à 2000 points aujourd’hui - l’équilibre demeure précaire. Et, insinuent les analystes Merrill Lynch, accrochez-vous, car la chute n’est pas finie.
Hurler avec les loups
Ce jugement ne fait pourtant pas l’unanimité. " Brandir un commentaire alarmiste en période difficile, c’est une façon d’hurler avec les loups. Mais ça ne sert à rien, s’indigne Serge Chayenko, spécialiste des marchés financiers américains à la banque Raymond James, à Paris. Tout le monde sait que les résultats des sociétés pour le deuxième trimestre seront mauvais car, pour la première fois depuis longtemps, les chefs d’entreprises eux-mêmes semblent surpris par leurs mauvais chiffres ". " Ce qu’il faut, poursuit-il, c’est laisser passer ces résultats, puis nous poser la vraie question : quand la reprise aura-t-elle lieu, dans six mois ou dans un an et demi ? " Plus sévère encore, Philippe Béchade, un analyste de l’agence Cerclefinance, lâche : " L’étude de Merrill Lynch est un torchon. Il est totalement vrai de dire que les entreprises maintiennent des objectifs qui ne seront pas tenus. Mais le marché a envoyé ces valeurs tellement bas qu’elles sont aujourd’hui sous-évaluées de 25%, et non surévaluées de 25% comme le dit Merrill Lynch ". " Je reçois chaque jour sur mon bureau des dizaines d’études alarmistes, poursuit Philippe Béchade. Les analystes sont complètement angoissés à l’idée de publier une étude qui n’irait pas dans le sens du vent. Pour ne pas avoir l’air d’être à côté de la plaque, ils trouveront tous les arguments possibles pour justifier le massacre des sociétés en Bourse ".