Ababacar DiopD.R. |
Le 17 mai, Vivendi savoure sa victoire. Son dernier-né, le vizzavi.fr, auto-célébré "portail deuxième génération", est lancé. Sourires sur les lèvres, mais aussi soupirs de soulagement.
En effet, un petit tour du côté de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI), révèle un antécédent bizarre. Ce n’est pas Vivendi qui a eu la primeur de la trouvaille : la marque "vis@vis, visiophonie publique", a été déposée le 1er octobre 1999 par trois associés, dont le célèbre Ababacar Diop, ancien leader des sans-papiers. Vizzavi, en revanche, ne rentre dans les registres de l’Institut que le 21 avril 2000. L’orthographe diffère, mais pas la phonétique et à l’INPI, les règles sont claires : "Imiter, c’est aussi contrefaire", devise l’Institut qui conseille de renoncer aux rapprochements phonétiques. Un bémol à la règle : deux marques identiques peuvent coexister si elles concernent des produits différents. Ce n’est pas le cas du "vis@vis" d’Ababacar Diop qui a été enregistré à l’INPI dans les mêmes catégories que la marque de Vivendi. "Vis@vis" est le nom d’un cyber-café, niché juste en face de l’église Saint-Bernard. Un cyber-café bientôt équipé de webcams : d’ici la fin de l’été, les internautes du coin pourront appeler, via Internet et visiophone, Dakar et Bamako.
24 millions pour ne pas attaquer Vivendi
Début mai, Vivendi réalise donc que la petite société de la rue Stephenson risque de lui causer quelques problèmes juridiques. Le contact est établi. Les négociations peuvent commencer : selon Ababacar Diop, rendez-vous est donné dans les locaux de Jean-Marie Messier, en urgence. Il était temps : le lendemain, Vivendi et Vodafone doivent annoncer à la presse la mise en place de leur dernier bébé, le portail Wap Vizzavi. "Ils voulaient nous racheter la marque. Nous avons refusé et négocié pour une co-existence des deux appellations", explique à Transfert Ababacar Diop. Philanthropie ? Pas vraiment. "Nous avons signé pour ne pas les attaquer en justice. En échange, nous avons reçu 24 millions de francs, soit 8 millions chacun puisque nous étions trois associés à avoir déposé le nom." Puis, Ababacar est parti pour Dakar en vue d’"investir dans le développement de l’Internet en Afrique". Belle revanche pour un Sénégalais longtemps sans-papiers. Ses projets peuvent enfin prendre de l’ampleur : cyber-café à Dakar, visiophonie entre l’Afrique et l’Europe, charter de l’amitié... . C’est d’ailleurs en raison de ces multiples projets qu’Ababacar Diop s’est décidé à parler du contrat conclu avec Vivendi. Une clause de confidentialité freinait ses ardeurs mais il a pourtant choisi la transparence : "Je suis un homme public, j’ai des projets en politique, donc je préfère être explicite sur l’origine de cet argent. C’est la seule raison pour laquelle je communique sur cette affaire." À Paris, ses deux associés restent muets. L’un d’eux, Jean d’Euderville, dit seulement : "Il n’y a pas d’information."
Et Vivendi dans l’histoire ? Muet sur toute la ligne. Entre l’introduction en Bourse, plutôt difficile, de Vivendi environnement, et les vacances d’été, le téléphone a tendance à sonner occupé. Alain Delrilleu, responsable communication du groupe, n’a tout simplement jamais entendu parler de l’affaire : "Vivendi ne fait aucun commentaire sur cette histoire." Est-ce le montant du deal, le manque de professionnalisme ou l’identité du bénéficiaire qui justifie cette pudeur soudaine ?