L’ATI - Agence tunisienne de l’Internet - a été créée en 1999. Société anonyme dépendant du ministère des Télécommunications, elle régit le réseau tunisien, gère l’enregistrement et l’administration des noms de domaine. Elle est également en charge des connexions des établissements publics. Seuls deux fournisseurs d’accès à Internet ont le droit de desservir les particuliers : PlaNet et 3S GlobalNet. Ces deux sociétés sont dirigées par des proches de la famille du président Zine el Abedine Ben Ali - dont sa propre fille.
En Tunisie, le contrôle sur l’Internet est omniprésent. Parallèlement à la mise en place des sites institutionnels nationaux, l’ATI a conçu des contrats restrictifs stipulant que l’usage d’Internet doit se limiter " à des fins scientifiques, technologiques, commerciales strictement en relation avec l’activité du client ". Les sites institutionnels concernés doivent également informer l’ATI de " tous les comptes qui ont été ouverts ", comme de " de tout changement d’adresse, d’équipement, et d’utilisateur ", ainsi que " prévenir l’accès à distance de son réseau à des personnes extérieures ".
Selon plusieurs témoignages, certains sites et services en ligne sont censurés en amont des universités tunisiennes. Des fournisseurs de mail gratuit (caramail, hotmail, netcourrier), des hébergeurs gratuits (chez, multimania, angelfire), ou des forums de discussion tunisiens ne passent pas les limites des campus. Selon d’autres témoignages, les internautes doivent présenter une pièce d’identité ou décliner leurs noms et adresses pour s’abonner aux Publinet - les cybercafés tunisiens - où l’administrateur peut surveiller ce qui se passe sur chaque écran. Ainsi, un témoin fait état " de visites ponctuelles de policiers venus scruter l’historique de navigation enregistré dans les machines de cybercafés. En recoupant les informations contenues sur les fiches des abonnés, la police est capable d’établir qui a consulté tel ou tel site "
Depuis 1997, le code de la presse tunisien, un très efficace outil de censure, s’applique également au Net. Il vise la production, la provision, la distribution et le stockage de l’information à travers le réseau. En matière de censure, les sites d’opposition politique sont des victimes désignées : Takriz.org, webzine hébergé à l’étranger, a ainsi vu son accès bloqué depuis la Tunisie. Les sites de reporters sans frontières et du Comité pour la protection des journalistes ont connu un sort identique : ils avaient désigné Zine Abedine Ben Ali comme l’un des prédateurs de la liberté de la presse. En novembre 1998, Amnesty International a publié un rapport sur les atteintes aux droits de l’homme en Tunisie. Depuis, l’accès au " vrai " site d’Amnesty y est régulièrement bloqué. " Vrai ", car un proche de Zine Abedine Ben Ali a créé un site de désinformation dont les adresses comportent les mots " amnesty ", " rights " et l’extension de nom de domaine " .org ".
Le 15 décembre 2000, des policiers en civil agressent Sihem Bensedrine, directrice de l’hebdomadaire en ligne Kalima. La journaliste se rendait, en compagnie de militants des droits de l’homme, au ministère de la Santé pour remettre au ministre une pétition de protestation contre le licenciement abusif de Moncef Marzouki de la Faculté de médecine de Sousse. Quelques heures avant cette agression, Sihem Bensedrine avait constaté que sa voiture avait été complètement fouillée. Un couteau à cran d’arrêt avait été déposé en évidence sur la banquette arrière ainsi qu’une lettre sur laquelle était écrit "A la guerre comme à la guerre". Kalimatunisie.com est en ligne depuis le mois de décembre 2000 et n’a toujours pas reçu l’autorisation des autorités tunisiennes de lancer son magazine en kiosque.
Selon un rapport établi en mars 2000 par le Comité national des libertés pour la Tunisie (CNLT), de jeunes pirates tunisiens ont été longuement interrogés par les services du ministère de l’Intérieur. Ce même rapport affirme qu’en octobre 1999, l’Etat a engagé 400 agents pour surveiller le courrier électronique et les sites visités par les internautes. Il semble aussi que les e-mails adressés ou reçus par les organisations non gouvernementales présentes en Tunisie soient fréquemment interceptés par les autorités. Jean Luc Cipière, responsable d’ATTAC Rhône, témoigne de cette surveillance permanente : "Notre organisation est jumelée avec une association tunisienne, le RAID, dont l’...tat refuse de reconnaître l’existence légale. Il est fréquent que nos courriers électroniques envoyés à nos interlocuteurs tunisiens n’arrivent jamais. Sans aucune notification d’erreur en retour. En Tunisie, une loi autorise les autorités à ouvrir et lire le courrier postal et électronique sans en informer ni le destinataire, ni l’expéditeur." Eric Goldstein, membre de Human Rights Watch, va plus loin : " Le régime tunisien s’est doté de programmes, de logiciels et de machines qui scrutent en permanence le contenu des documents et en interdisent l’accès dès qu’un mot clé jugé subversif apparaît "
Le 10 janvier 2001, le ministère des Communications convoquait, selon des témoignages provenant des acteurs de l’Internet tunisien, plusieurs dizaines de gérants de Publinet, les cyber cafés tunisiens. Et leur annonçait, en plus d’une baisse des tarifs de connexion pour les handicapés, les étudiants et les journalistes (de 1,5 à 2 dinars tunisiens l’heure, de 7,5 à 10 F), une série de consignes. Les accès à des sites à caractère pornographique sont désormais interdits depuis les cybercafés. La téléphonie sur Internet est également bannie dans les lieux d’accès publics. Autre interdiction : les internautes ne pourront plus télécharger de contenu depuis la Toile sans l’autorisation des gérants des Publinet. Enfin, les cybercafés seront contraints d’installer des logiciels de filtrage sur les machines connectées à l’Internet. Selon des informations émanant d’un gérant de cybercafé ayant assisté à la réunion, les autorités tunisiennes auraient distribué "des disquettes contenant un logiciel bloquant l’accès à une liste de sites interdits".
Fiche technique :
Population : 9 335 000
PIB par habitant : 5404 dollars
Fournisseurs d’accès à Internet : sept, dont deux pour les particuliers.
Internautes : 100 000 utilisateurs
Le gouvernement fait officiellement du développement d’Internet l’une de ses priorités : un plan ambitieux prévoit le raccordement à court terme de 800 000 abonnés. Le réseau est accessible dans tout le pays via un appel téléphonique local. Mais les coûts de connexion sont encore prohibitifs.