Animateur du Réseau Voltaire, Thierry Meyssan s’est trouvé au centre du débat sur la prescription et la liberté de la presse sur Internet. Portrait d’un résistant à l’ordre moral.
Palais de justice de Paris, chambre de la presse. Thierry Meyssan a troqué son pantalon en cuir pour un costume d’automne. Le président Monfort le convoque à la barre. Juge et accusé esquissent un sourire. « C’est presque devenu une blague entre nous », confie le journaliste. Ses ennemis, nombreux, ne manquent jamais une occasion de le poursuivre en diffamation pour obtenir son silence. Sans succès. Président de l’association Réseau Voltaire, désormais sur le Web, Thierry Meyssan, 43 ans, continue à distiller ses informations. Sur l’...glise catholique, l’...tat et ses barbouzeries, ou encore l’extrême droite. Son dernier procès l’opposait à Carl Lang, dirigeant du Front national. Il s’est retrouvé étendard de la liberté de la presse sur Internet. Au secours de la prescription, interdite aux publications du Net, par décision du juge. « Cette affaire n’est pas un hasard », affirme Meyssan. Parce qu’il pilota le comité national de vigilance contre l’extrême droite, il se targue d’avoir provoqué la chute du FN. Avec un brin de forfanterie, mais sans en avoir l’air. L’homme est excellent orateur mais pas grande gueule. Teint sombre et yeux vifs, il affiche un calme à toute épreuve, entrecoupé de rires aussi brusques que sonores.
Son combat est un travail de fourmi. Dans un patient recensement des liens formant les lobbies réactionnaires ou mafieux, il traque les appartenances diverses de ceux qui jouent la carte multi-réseaux. La lutte commencée au nom d’une stricte laïcité de l’...tat a évolué au fil des recoupements. « On retrouve toujours les mêmes adversaires », commente l’homme du Réseau Voltaire, dont le dernier bulletin signale les relations de proches d’Alfred Sirven avec l’Opus dei. « Avec lui, c’est X-files, tous les jours », s’exclame un membre du parti radical où Meyssan a des responsabilités. Lui affirme détenir la preuve de tout ce qu’il avance.
Formé au lobbying
Professant un individualisme radical, il revendique le droit de changer à tout moment. Mais exige de la vie publique une totale transparence. Certains de ses adversaires, des cathos traditionnalistes, l’ont pris au mot. Sans scrupules, ils déballent sa vie sur le Net. Ça le fait rire. Un site lui est dédié, qui détaille le parcours honni de ce fils de bourgeois bordelais : éducation chez les Jésuites, études de théologie, participation au mouvement charismatique... puis un coming-out post-mariage. Meyssan est alors excommunié pour homosexualité. La lutte pour le droit à la différence sexuelle sera son grand combat des années 80. Assortie d’un anticléricalisme farouche, elle aura formé au lobbying celui qui ne veut croire qu’à « l’efficacité en politique ». Elle l’aura poussé à fréquenter les cabinets ministériels et à cultiver ses propres réseaux : le parti radical de gauche, « protection politique avant tout », même si lui se reconnaît dans « le radicalisme des origines ». Ou la franc-maçonnerie dont il est membre tout en condamnant ses errances. Il ne s’y fait pas que des amis. Intransigeance ? Meyssan professe des idées très arrêtées. Favorable à l’union homosexuelle, il déplore le choix du Pacs. Et affirme qu’on a évité le pire, comme la création de registres séparés dans les mairies. Il s’emporte : « On a supprimé après la guerre les fichiers d’homos dans les commissariats, on n’allait pas les réintroduire en 1998 ! » Ses ennemis en auraient piaffé de joie.