Le pionnier du PDA se retire du marché grand public. Et mise sur les professionnels, l’éducation et la téléphonie mobile.
Le grand public sera privé de nouveaux Psion, ces petits assistants personnels qui concentraient agenda et autre carnet d’adresses dans l’espace d’une poche. L’annonce, mercredi 11 juillet, a donné à David Potter, président et fondateur de la firme britannique, l’occasion d’entonner un couplet lyrique : "Je serais un homme bien froid si je disais que cet arrêt ne me fait pas ressentir une très forte émotion. Nous avons créé le concept en 1982 et inventé le mot organiser en 1984, lors du lancement de notre premier produit." Le pionnier du PDA (Personal Digital Assistant) cesse donc de développer de nouveaux produits pour le marché de masse, qu’il juge de plus en plus compétitif et embarqué dans une guerre des prix dangereuse, proche de celle qui affecte le hardware PC. Dans un mouvement de "restructuration", il s’apprête à licencier 250 de ses 1 350 employés.
Palm a fait mal
En un an, les ventes de la division Psion Digital ont chuté de moitié, le premier semestre 2001 ayant généré un chiffre d’affaires de 36 millions de livres contre 77 l’année précédente. Pour expliquer ce marasme, Peter Bancroft, le porte-parole de la firme, lance une pique contre Palm, un des concurrents américains qui lui a causé tant de tort : "En 2000, le marché a été inondé par des assistants personnels aux prix cassés. La politique de dumping de Palm a fait mal à tout le secteur." Palm a en effet divisé le prix de certains de ses produits par quatre pour écouler ses stocks. Pour l’exercice 2000, le leader américain, inventeur du PDA à stylet et palette graphique, a annoncé 356 millions de dollars de pertes nettes. L’autre fossoyeur de Psion est Compaq, dont l’iPaq a amené couleur, musique et vidéo dans le monde du PDA.
Dernière bouée crevée
La décision finale de se retirer du marché grand public a été prise à la maison mère, quand Motorola s’est retiré fin janvier du joint venture qu’il avait lancé avec Psion pour développer un téléphone-assistant personnel intégré et connecté à Internet. Du point de vue comptable, les avances de royalties versées par Motorola à Psion ont laissé un "bénéfice" relatif de 5 millions de livres sterling, mais l’échec du projet a crevé la dernière bouée pour le marché grand public : "Nous aurions pu finir le développement seuls, mais le lancement d’un tel produit par les circuits de distribution de la téléphonie mobile, face à des concurrents comme Nokia ou Ericsson, était un risque financier trop grand pour nos actionnaires", explique le porte-parole de Psion.
Dans les mois à venir, Psion se contentera d’écouler ses stocks de Revo et de Psion séries 3 et 5, sans trop y croire. "Je ne crois pas que le Revo sera un grand succès pour Noël 2002..." a admis, flegmatique, David Potter. Les aficionados de ces machines n’ont pourtant pas lieu de s’inquiéter pour le service après-vente, qui continuera d’être assuré. Pour ce qui est des développements de logiciels comme le fameux kit Mac Connect qui permettrait enfin de rendre les Psion compatibles avec les ordinateurs Apple, le porte-parole assure qu’une "tierce partie" a un produit adéquat, mais ne donne pas de date de lancement précise.
Le salut dans le marché professionnel
La décision de Psion ne signifie pas la fin de cette entreprise créée en 1980. Présent depuis longtemps sur le marché professionnel, Psion compte y trouver son salut, grâce à sa division Teklogix, née en septembre 2000 du rachat de la société du même nom. Cette activité, aux marges plus confortables, est bénéficiaire avec un chiffre d’affaires en forte hausse : 63 millions de livres (680 millions de francs) au premier semestre 2001 contre 17 (183 millions de francs) pour la division Psion Entreprise (sans Teklogix) à la même période en 2000. Si la direction a prévenu que le ralentissement de l’industrie américaine devrait affecter Teklogix au deuxième semestre, elle compte sur ses 17 millions de livres de cash pour se renforcer sur le marché des entreprises et de l’éducation. Le fer de lance de cette stratégie est le Netbook, un mini-ordinateur ou super-PDA avec clavier et grand écran lancé il y a deux ans. Même si les ventes de ce produit sont pour l’instant restées "limitées", Psion croit à son succès dans les réseaux sans fil d’entreprise et les projets scolaires. Une école pilote de Malaisie vient par exemple de commander 8 000 Netbooks. Dans le long terme, Psion considère que le marché des PDA grand public est condamné à converger avec la téléphonie mobile et sera dominé par les géants comme Nokia et Sony. La firme britannique réaffirme donc son implication dans le projet Symbian, qui regroupe l’américain Motorola, le suédois Ericsson, le finlandais Nokia et le japonais Matsushita. Symbian, dont Psion possède 28 %, développe des produits autour de l’environnement EPOC de Psion pour la nouvelle génération de téléphones et d’ordinateurs Internet mobiles. "Symbian ne tire ses revenus que des licences versées par les constructeurs qui l’utilisent dans leurs produits, rappelle le porte-parole de Psion, Peter Bancroft. Et nous ne savons pas quand Nokia ou Ericsson se lanceront sur ce marché."