La présidente déchue du portail féminin Newsfam retourne à la case télévision.
Tout le monde a écrit ou parlé d’elle. L’année dernière, même la presse américaine faisait des articles sur Chine Lanzmann, alors présidente du portail féminin Newsfam. Une célébrité. Une star. Une razzia médiatique, volontairement orchestrée par cette jeune femme de 33 ans : « Dès le départ, raconte-t-elle, Alexandra [de Waresquiel, cofondatrice de Newsfam, NDLR] et moi avions prévu de nous médiatiser. Ça a marché au-delà de nos espérances, parce que les journalistes avaient besoin de visages pour humaniser Internet, particulièrement de visages féminins. » Bien vu. Mais, aujourd’hui, Chine Lanzmann n’est plus la figure emblématique du site féminin : elle l’a quitté en février dernier.
La médiatisation, elle y est habituée : à 17 ans, elle est invitée « chez Pivot » pour parler de son premier roman (une tradition familiale : elle est la fille de l’écrivain Jacques Lanzmann) ; plus tard, elle présente l’émission Cybercultures sur Canal+. La différence, cette fois-ci, c’est qu’on parle d’elle dans le Wall Street Journal. « J’étais fière, mais ni ma famille ni mes amis ne l’ont lu », rigole-t-elle. Il faut dire que ses amis n’ont pas le profil type d’un lecteur du Wall Street Journal : « Presque tous mes copains sont dans le microcosme d’Internet ou de la télévision. » C’est d’ailleurs l’un d’entre eux, Jean-David Blanc (le fondateur d’AlloCiné), qui lui souffle, en mars 1999, l’idée d’un site portail pour les femmes. Tout s’enchaîne alors très vite : démission de chez Canal+, rédaction du business plan, levée de fonds, en octobre 1999, de 20 millions de francs auprès d’Apax Partners facilement réalisée ; enfin, l’ouverture du site, initialement baptisé desfemmes.com, en novembre 1999. « À l’époque, le problème n’était pas de trouver des financements, mais les personnes capables de construire un site », se souvient-elle. L’équipe passe de 5 à 35 personnes en trois mois. Et change de nom : desfemmes.com devient Newsfam, officiellement pour avoir une consonnance internationale. Peut-être, plus simplement, parce que les ...ditions des femmes avaient certains droits sur le nom… N’empêche : la société a la cote dans la presse et les rencontres s’enchaînent. Même Chirac s’arrêtera dans ses locaux, le temps d’y lire son horoscope sur le site, lors de sa visite de l’immeuble de Republic Alley, où crèche la start-up. « C’était formidable, le lendemain nous étions dans tous les quotidiens », raconte-t-elle, pas dupe pourtant d’une opération de communication à double sens.
Chine fumé uniquement
Ensuite, la mécanique se dérègle. Newsfam ne parvient pas à combler son retard sur le concurrent aufeminin.com, des doutes naissent sur le business model et les dirigeantes de la start-up s’aperçoivent qu’elles ne boucleront pas de second tour de financement aussi facilement que prévu. « On a mis deux mois pour s’en rendre compte car, même dans une start-up, il y a de l’inertie », explique Chine Lanzmann. Les critiques pleuvent, sévères, sur la qualité du contenu et le management. « C’est parfois dur à vivre, mais peut-être avions-nous un peu trop frimé avant », avance-t-elle. La pression s’accentue. « Le rythme de travail effréné, j’y étais habituée, ça fait 15 ans que je suis “workaholic” », pondère-t-elle. Mais gérer de front la création du site, la structuration de la société et la pression des investisseurs est moins évident. Finalement, Newsfam, au bord de la cessation de paiement, réalise une augmentation de capital de six millions de francs en janvier 2001.
Pour Chine Lanzmann l’aventure s’arrête là. On murmure que son départ se serait mal passé, et qu’il aurait été exigé par les investisseurs. Elle s’en défend : « J’ai choisi de partir, pour me lancer dans de nouveaux projets. J’ai besoin de créer. » Quand elle regarde en arrière, elle dit ne pas nourrir de regrets. « Certes, ça ne correspond pas à mon rêve initial de révolutionner la vie des femmes, mais nous avons tout de même créé le numéro deux des sites féminins », estime-t-elle. Et puis, avoir appartenu à ce qu’elle considère comme un petit groupe de défricheurs d’un nouveau Far West la rend fière. « Nous avions entre 25 et 40 ans, ne trouvions pas notre place dans les grandes entreprises, et nous nous en sommes donc créé une, dans un territoire vierge », s’enflamme-t-elle.
Aujourd’hui, elle en profite pour décompresser. « Je vois plus mes amis, je flâne dans Paris. Tiens, là, je sors de chez le coiffeur », raconte-t-elle en savourant son thé (pas n’importe lequel : du Chine fumé). Parallèlement, elle planche sur des projets dans la télévision interactive, qu’elle ne souhaite pas dévoiler pour l’instant. La création, traduire des idées en projet, puis les réaliser, ça la branche. Mais elle ne prévoit pas de reprendre les rênes d’une start-up. Elle a déjà donné.
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