Jeune naïf surmédiatisé, le PDG de Net2One, a un peu mûri et recrute un directeur général senior pour l’épauler...
« Le petit prodige de la nouvelle économie », « le jeune PDG le plus médiatique du Landerneau multimédia ». L’an dernier, les journaux ne savaient plus quels superlatifs employer pour parler de Jérémie Berrebi, 23 ans, le patron de Net2One. Aujourd’hui, la star médiatique joue les modestes : « Je n’ai pas les chevilles qui gonflent », prétend-t-il. Et, un an plus tard, on doit admettre qu’il a très bien su utiliser cette promotion gratuite.
D’accord, il reconnaît que tous ces commentaires élogieux lui ont fait plaisir, à ses parents aussi. Il aimait bien les coups de fil des copains qui avaient vu tel ou tel article. Il répondait avec fierté à de multiples sollicitations : des émissions de télévision, le jury de l’opération Cyberlycées organisée par l’...lysée et même un colloque sur la mondialisation au Sénat. À cette occasion, les caméras de Envoyé Spécial vont fixer un instant qui fera beaucoup jaser : un sénateur d’âge respectable lui glisse un mot sur les recherches d’emploi de son fils… « Ça ne m’a pas mis mal à l’aise, j’ai trouvé ça plutôt bien », admet-il, un peu naïvement. Le fils en question ne travaille pas chez Net2One, mais la carte de visite du père a sûrement rejoint la collection de Jérémie : « J’en ai accumulé plus de 10 000, rangées dans des classeurs. » N’est-ce pas un peu puéril, façon collection de timbres ? Pas pour lui : « Avoir un réseau, c’est plus important que tout ». Forcément, toutes ces rencontres et cette notoriété lui ouvrent quelques portes : « aujourd’hui, je peux contacter n’importe quel patron de France n’importe quand », se vante-t-il. En tout cas, il a pu démarcher lui-même les sociétés de capital-risque pour boucler un tour de financement de 40 millions de francs en juin 2000, sans l’intermédiaire d’un leveur de fonds.
Les critiques ne l’ont cependant pas épargné. Un chroniqueur l’a décrit comme la « Lætitia Casta des start-ups ». Krivine lui a vertement servi le couplet « faites l’amour, pas la guerre économique ». Les éditeurs de contenu sur Internet se sont subitement réveillés pour le traiter de pilleur : pas question qu’une jeune start-up prospère en piochant, sans autorisation, dans leurs articles pour construire ses newsletters. Surtout en période de négociation avec les rédacteurs sur les questions de droits d’auteur. La situation est depuis rentrée dans l’ordre, mais Jérémie fait mine de ne pas avoir bien compris leur colère. Et puis, « si je pouvais être à l’origine de Napster, je serais très, très fier », ajoute-t-il ingénument.
Sicav tous les mois
On le dit arrogant, et c’est vrai qu’il est fier de ses succès. Mais Jérémie semble avoir mûri avec sa société. Révolue, l’époque des projections idéalistes sur la croissance du nombre d’abonnés aux revues de presse Net2One. « Aujourd’hui, on se fout complètement d’un nombre d’abonnés. Seul compte le chiffre d’affaires. » Le cash est donc la nouvelle priorité de Net2One. Vendre aux annonceurs l’espace publicitaire disponible sur les newsletters et vendre à des sites portails la technologie Net2One. La conquête de nouveaux abonnés viendra plus tard. Oubliés aussi, les rêves d’entrée en Bourse. « Notre service technique tourne impeccablement, mais notre modèle économique n’a pas été éprouvé et la société n’est pas suffisamment bien structurée », reconnaît-il. Voilà pourquoi Net2One a abandonné ou mis en attente ses développements internationaux. Voilà aussi pourquoi Jérémie, sur une idée de son conseil d’administration, recrute un directeur général, un senior avec une solide expérience commerciale. « Je m’occuperai moins de l’opérationnel au quotidien et plus de la stratégie à six mois de Net2One », espère-t-il. À l’instar de Fabrice Grinda chez Aucland, son rôle va-t-il se cantonner à celui de simple conseiller stratégique ? « Pas tant que Net2One n’est pas super rentable », rejette-t-il. Confiant, il s’enorgueillit d’entretenir de bons rapports avec son conseil d’administration. « Si nous n’avions pas de trésorerie, je me serais fait lyncher », tempère-t-il. Avec une trentaine de millions de francs en banque et des dépenses autour d’un million de francs par mois, la situation est relativement confortable. « On touche des Sicav tous les mois », s’amuse-t-il.
Se désengager plus encore de Net2One ? La perspective n’enthousiasme pas Jérémie. Il ne manquerait pourtant pas de projets pour rebondir. « J’ai plein d’idées excitantes pour de nouvelles créations d’entreprises. » Mais son rêve serait de « monter une boîte qui ne nécessite que trois personnes », car la gestion des équipes n’est pas son point fort. En attendant cet idéal, Jérémie a d’autres projets, plus personnels : il se marie le 4 juin. Le jour de son anniversaire.
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