Vous croyiez avoir tout lu au sujet du projet de Loi sur la sécurité quotidienne ? Qu’elle était a priori anticonstitutionnelle et liberticide ? Mais quid de la sécurité des CB et du fichage ADN, entre autres ?
La Loi sur la sécurité quotidienne (LSQ) repassera devant les députés mercredi 31 octobre. Et sera probablement adoptée, malgré l’opposition farouche de nombreuses associations et syndicats (dont AC !, Act Up, April, Attac, Clifti, le Gisti, Réseau Voltaire, R@S, Ras l’Front, Syndicat national des journalistes) signataires des pétitions de LSIjolie et d’IRIS (Imaginons un réseau internet solidaire). Ces différentes organisations contestent la façon, qualifiée d’"anticonstitutionnelle", qu’a eu le gouvernement - avec la complicité bienveillante de tous les partis politiques - de faire passer, sous couvert d’"urgence" anti-terroriste, des amendements au projet de loi, le tout sans réel débat démocratique. Au Sénat, les nouveaux articles ont été validés sans l’ombre d’un débat contradictoire. Certes, les médias ont longuement commenté la mise sous surveillance de l’Internet (conservation pendant un an des données de connexion) et la criminalisation de la cryptologie tandis que la Ligue des droits de l’homme et le Syndicat de la magistrature, entre autres, tentaient d’alarmer l’opinion publique sur l’autorisation faite à des agents de sécurité privés, d’effectuer fouilles au corps et contrôles d’identité ou sur l’extension des contrôles au faciès, qui augmentent considérablement les placements en centres de rétention de sans-papiers.
Le sécuritaire obscurantiste
Mais on a peu parlé du recours au fichier STIC, qui croise toutes les données policières concernant tout citoyen ayant eu affaire aux forces de l’ordre, pour vérifier la "moralité" des professionnels de la sécurité. De même, le volet relatif à la sécurité des cartes bancaires a été relativement occulté. Il est pourtant qualifié d’"inacceptable, nuisible et scandaleux" par Laurent Pelé dont le site, le seul à avoir clairement opté pour la transparence, répertorie 70 types d’attaque possibles à l’encontre des CB. Au titre de la LSQ, la mise à disposition de programmes et informations permettant la contrefaçon de carte de paiement ou de chèques sera en effet punie de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 euros d’amende. La recherche en matière de sécurité des cartes bancaires, ainsi que l’information relative à leurs failles, seraient ainsi criminalisées. Ou comment faire de la "sécurité par l’obscurité", alors qu’il est communément admis qu’en informatique, il n’y a de sécurité que dans la transparence.
Extension du fichage ADN
Les libertés individuelles risquent de souffrir de plusieurs autres mesures envisagées. On peut citer l’abaissement à 10 ans (au lieu de 13 jusqu’à présent) de la responsabilité pénale des mineurs ou l’autorisation de port d’arme pour les employés des société privées de sécurité dans les transports en commun. Ou encore l’article L 126-3, qui prévoit de punir ceux "qui entravent l’accès et la libre circulation des locataires ou empêchent le bon fonctionnement des dispositifs de sécurité et de sûreté" dans les halls d’immeuble de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende. Même tarif pour ceux à qui "la police des chemins de fer" aurait décerné plus de 10 PV dans l’année (article 14ter). Très médiatisée avant l’été, l’interdiction des free parties vient d’être discrètement réintroduite par les sénateurs (http://okosystem.free.fr/urgent.htm) alors qu’elle avait été, contre l’avis du ministre de l’Intérieur, retirée du projet de loi. Last but not least, le fichage génétique des auteurs de crimes et délits "avec violence" a lui aussi été adopté par le Sénat. Au moment du procès de Guy Georges, Marylise Lebranchu, Garde des Sceaux, s’était pourtant prononcée pour un "débat public" avant toute extension du fichage ADN. Les députés se risqueront-ils à débattre de manière démocratique et contradictoire des éventuelles dérives de cette disposition et des autres mesures ? On peut en douter.