L’équipe de campagne de Jean-Pierre Chevènement va bientôt publier le programme de son candidat en matière de technologies de l’information et de la communication. L’occasion d’une interview -réalisée par courriel- où le "Che" donne au passage quelques coups de griffe au gouvernement qu’il a quitté.
Le rassemblement autour de votre candidature s’intitule le " pôle républicain ". Pensez-vous que l’on puisse définir une politique "républicaine " en matière de TIC ?
Même sur des sujets technologiques, il y a des choix politiques à faire. Alors que certains s’en remettent uniquement au marché pour investir dans les nouvelles technologies, je préconise une véritable politique industrielle d’investissements structurants dans les réseaux et d’encouragement à la recherche. Voyez aux Etats-Unis : le gouvernement a massivement aidé la recherche et l’industrie dans ce secteur et s’apprête à le faire encore avec le budget de la Défense. Je propose entre autre une baisse massive des coûts de l’accès au Net et une généralisation du haut débit via une action volontariste de l’Etat. Notre législation sociale doit être adaptée en ce qui concerne, par exemple, l’utilisation de l’Internet et des Intranets à des fins syndicales ou le statut des administrateurs de réseaux, qui doivent être à l’abri des pressions de leur employeur vis-à-vis des données personnelles qu’ils manipulent.
Votre programme aborde l’accès au réseau, le haut-débit, le passage à une administration électronique, l’utilisation des logiciels libres, le développement de la recherche, la réforme de la Cnil. On dirait le discours de Lionel Jospin à Hourtin en 1997, non ?
Les TIC doivent faire l’objet d’une politique ambitieuse et non servir à l’affichage d’une modernité factice. Le secteur s’est formidablement développé depuis 1997, mais le bilan réel de l’action du gouvernement est finalement plutôt contrasté. Prenez par exemple l’attribution des licences UMTS de téléphonie mobile. Elle a été complètement incohérente : le gouvernement a voulu taxer lourdement un secteur en plein essor, tout en n’imposant que des obligations de couverture minimales aux opérateurs. À la suite de la crise boursière, il a réduit les taxes sans modifier substantiellement les conditions de l’appel d’offre. Dans le même temps, il s’apprête avec les collectivités locales à financer l’achèvement de la couverture nationale du réseau GSM qui n’avait pas été imposée aux opérateurs, avant, sans doute, d’envisager la même opération dans une dizaine d’années pour le réseau UMTS.
Ce n’est qu’un exemple...
Prenez alors la politique de l’accès : les mesures ne sont pas en adéquation avec les objectifs affichés. On a annoncé, il y a près de deux ans, des offres d’accès illimité par le réseau téléphonique pour moins de 200 FRF par mois. C’est déjà insuffisant pour permettre une démocratisation d’Internet. Et ces offres ne sont toujours pas disponibles. La France est aussi en retard sur le développement des accès haut-débit. Quant à la LSI : ce projet de loi sur la société de l’Information n’a pas été discuté pendant la legislature. Pour l’instant, il se réduit à une opération de communication. Il comporte d’ailleurs de graves insuffisances, en particulier sur la législation sociale qu’il n’évoque même pas , ainsi que sur le respect de la vie privée.
Pourquoi faut-il inciter les Français à se connecter ?
Internet permet l’accès direct aux sources d’information, lois, rapports publics, transcription de débats parlementaires, et une rapidité et une facilité de publication inégalée à un coût très bas. C’est un moyen de se réapproprier le débat démocratique qui passait jusqu’à présent nécessairement par les médias. Les télé-procédures, la communication par mail, les achats en ligne, vont se développer avec le temps et de multiples autres applications des TIC vont apparaître au fur et à mesure que les Français verront Internet prendre place concrètement dans leur vie quotidienne. Par ailleurs c’est un secteur créateur d’emplois, malgré la récession actuelle et l’éclatement de la bulle spéculative autour des start-ups. Il permet à toute notre économie d’être plus compétitive.
Vous souhaitez que l’accès haut-débit à Internet soit inclus dans le service universel téléphonique : n’est-ce pas contraire aux législations européennes ?
L’objectif affiché dans mon programme est une baisse franche du prix des accès haut-débit et leur disponibilité sur tout le territoire, quitte à utiliser en zones rurales des technologies adaptées, comme l’IDSL (accès sur lignes Numéris), à des conditions financières comparables aux offres ADSL. L’extension du service universel n’est qu’un des moyens pour y parvenir. En ce domaine, laisser faire le marché ne suffira ni à faire baisser suffisamment les prix ni à prendre en compte les enjeux d’aménagement du territoire.
Cette proposition n’est absolument pas contraire à la législation européenne. Si la Commission Européenne devait la contester au nom d’une vision ultra-libérale de la concurrence, nous demanderions à bénéficier d’exemptions dans ce cas précis.
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