Le Premier ministre était attendu à Hourtin, et tout le monde pressentait
un discours
aussi fort qu’il y a deux ans. Il n’a pas eu lieu. Certes, Lionel Jospin
s’était réservé quelques effets d’annonce sur une
loi spéciale Internet, pour début 2000. Mais rien qui puisse annoncer
une réaction aussi forte que celle qui avait suivi son discours de 1997.
Tant mieux, au fond : c’est peut-être la preuve que l’Internet
français grandit bien, et n’a pas besoin de "coups" pour
avancer.
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À
loccasion
du discours du Premier ministre, lUniversité
dété de Hourtin avait fait le plein : Dominique
Strauss-Kahn, Elisabeth Guigou, Catherine Trautmann et Christian
Pierret étaient là pour le gouvernement, ainsi quun
très grand nombre de personnalités des médias
et de lindustrie (entre autres ; Pierre Lescure, président
de Canal Plus, Marc Tessier le boss de France Télévision
ou Jean-Marie Cavada, celui de Radio France). Tout le monde serré
sous le petit chapiteau, et à lextérieur deux
fois plus de monde encore. Mais comme Hourtin est un lieu un peu
à part où le formalisme ne dure jamais longtemps,
les membres du gouvernement ont été invités,
dès la fin du discours, à rejoindre leur "arbre".
Un "arbre à palabre" attendait chacun des ministres.
Une table, quelques chaises, et nimporte qui pouvait venir
discuter avec les responsables politiques. Jospin était bien
sûr assailli. Comme Guigou ou Strauss-Kahn. Christian Pierret
était moins sollicité, allez savoir pourquoi... Un
seul arbre était délaissé : celui que les organisateurs
avaient réservé pour Jean-Noël Tronc, conseiller
du Premier ministre, et auteur du fameux discours dil y a
deux ans. Le conseiller était resté auprès
de son boss. Ironie : larbre avait perdu son Tronc
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Les
principaux extraits du discours :
Le satisfecit. Deux ans après le premier "discours
de Hourtin", Lionel Jospin constate que les choses sarrangent.
Que les Français semblent enfin avoir compris quil
fallait monter dans le train :
"Aujourd’hui, les Français s’approprient les outils
de la société de l’information. Les ventes de micro-ordinateurs
ont dépassé celles des téléviseurs.
Quinze millions de Français possèdent un téléphone
mobile. Même s’il demeure un retard français en ce
domaine, l’usage de l’Internet a connu dans les six derniers mois
une progression spectaculaire de 45% qui permet d’envisager
un rattrapage rapide. Le secteur des technologies de l’information
et de la communication pèse désormais 5 % du PIB national
: c’est-à-dire plus que le tourisme et autant que les secteurs
de l’automobile et de l’énergie réunis. Le dynamisme
de nos entreprises dans ces secteurs leur permet d’occuper globalement
le quatrième rang mondial. Ainsi, depuis deux ans, la France
comble son retard. Dans certains domaines l’éducation,
l’innovation technologique , elle prend même de l’avance."
Limportance du domaine pour la France. Lionel Jospin avait,
il y a deux, insisté sur laspect stratégique
dune présence française dans les nouvelles technologies
de linformation et de la communication (NTIC). Il insiste
encore, en parfaite cohérence avec ce que répète
Dominique Strauss-Kahn, dès quil en a loccasion
:
"Il s’agit d’un secteur stratégique : l’un de ceux qui
tirent la croissance. Le centre de gravité de l’activité
économique se déplace, au point que se dessine ce
que certains appellent une " nouvelle économie ".
Si la formule est peut-être excessive, elle recouvre un changement
bien réel dont le Gouvernement a pris la mesure. Des métiers
nouveaux émergent, qu’il faut apprendre à maîtriser.
Des produits et des services innovants apparaissent, qu’il faut
savoir fournir. Les fonctions de toutes les entreprises sont amenées
à évoluer, de la conception des produits jusqu’à
leur diffusion auprès du consommateur l’essor du commerce
électronique le souligne. La contribution à l’emploi
de ces secteurs d’activité est déterminante.(
)
Le secteur de l’informatique concentre ainsi le quart des cadres
embauchés en 1998. Je me réjouis aussi que la France
compte, en Europe, la plus forte proportion d’internautes parmi
les jeunes : outil d’ouverture et de créativité, le
réseau offre à notre jeunesse une formidable perspective.
Il suffit de constater la moyenne d’âge des créateurs
de "start-ups", des développeurs de jeux et de
services en ligne."
Les enjeux sociétaux. Les NTIC nont pas que des
impacts économiques. Ils sont structurants pour la société
:
"Il s’agit là d’un secteur qui modèle notre société.
L’information et la communication jouent un rôle croissant
dans notre vie moderne ; elles participent de nos libertés.
Elles doivent donc servir la diversité culturelle et non
l’amoindrir. C’est pourquoi la façon dont sont conduits les
développements de la société de l’information
est décisive : à nous de faire en sorte que l’espace
de communication qui prend forme soit démocratique, solidaire
et pluraliste."
Internet et ladministration. Lun des principaux impacts
de son discours de 1997 fut la prise de conscience par ladministration
quelle ne pouvait plus se contenter de regarder Internet de
haut. Quelle devait se lancer. Cétait un ordre.
Aujourdhui, Lionel Jospin constate que les choses vont mieux,
même sil reste encore beaucoup à faire :
"L’administration française devient "électronique".
En janvier, nous avons publié le décret rendant opposables
à l’administration les formulaires mis en ligne. Cette année,
près d’un million de contribuables ont calculé le
montant de l’impôt sur le revenu par l’Internet. Depuis le
début de l’été, les annonces de marchés
publics sont disponibles sur le réseau. Nous poursuivons
ainsi dans le sens de la diffusion gratuite sur l’Internet des données
publiques les plus utiles à nos concitoyens et à nos
entreprises."
Inégalités. Les NTIC coûte encore cher, même
si les prix baissent. Et le fossé ne doit pas se creuser
entre ceux qui pourront y avoir accès, et les autres :
"L’essor des technologies de l’information ne doit pas creuser
un "fossé numérique". L’Internet ne doit
pas nourrir de nouvelles inégalités dans l’accès
au savoir. Il revient au service public de veiller au développement
équilibré de ces technologies sur le territoire national
et à l’égal accès de tous aux contenus essentiels
que diffusent ces réseaux. À travers l’Ecole, en particulier,
l’Etat peut prévenir "l’illectronisme", avant qu’il
ne devienne un nouvel avatar de l’illettrisme. Nous nous en donnons
les moyens : le taux de raccordement des lycées et des collèges
à l’Internet est aujourd’hui l’un des plus élevés
du monde."
Lan 2000. Le "bogue" est dans quelques mois.
Pour ceux qui ne le savent toujours pas, Lionel Jospin insiste sur
limportance du rendez-vous :
"Notre pays a pris ce défi au sérieux : 50 000
informaticiens travaillent sur le sujet depuis plus de dix-huit
mois et les dépenses de préparation représentent
plus d’un pour-cent du PIB français. La France compte désormais
parmi les pays industrialisés les mieux préparés.
Je voudrais néanmoins mettre à nouveau en garde ceux
des responsables notamment au sein des très petites
entreprises qui pensent encore, à tort, ne pas être
concernés par le risque du "bogue de l’an 2000"
La signature électronique. Indispensable pour le développement
des échanges commerciaux.
"Tout d’abord, je vous annonce que sera présenté
lors du prochain Conseil des ministres le projet de loi portant
adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information
et relatif à la signature électronique. Les principaux
obstacles juridiques au développement des transactions dématérialisées
pourront ainsi être levés."
Un projet de loi sur la société de l’information.
Cest la principale annonce du discours. Une loi, pour début
2000, regroupant les principaux aspects législatifs dInternet.
"J’ai demandé à M. Dominique Strauss Kahn, ministre
de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, de préparer
ce texte en étroite liaison avec Mme la ministre de la Justice
et Mme la ministre de la Culture et de la communication. Je voudrais
évoquer ici deux de ses aspects qui, je le sais, sont d’une
importance particulière pour vous tous.
La liberté de communication(
).
Il en va ainsi, par exemple, de la liberté d’user de la cryptologie
pour assurer la confidentialité des communications. (
)
Le réseau a en outre besoin d’une forme de régulation
adaptée. (
) Le Gouvernement proposera la mise en place
d’un organisme qui associera, dans un but de concertation et de
déontologie, acteurs publics et privés.
La protection des contenus et des droits des auteurs (
).
Le créateur doit conserver son lien intangible avec l’uvre
une fois celle-ci diffusée. C’est pourquoi nous restons fondamentalement
attachés au régime du droit d’auteur. (
) J’ai
demandé à la ministre de la Culture et de la Communication,
en liaison avec les ministres concernés -la ministre de la
Justice et le secrétaire d’Etat à l’Industrie- de
conduire une réflexion et une concertation sur la notion
d’uvre collective, sur le statut de la création salariée
et, de manière générale, sur les conditions
de dévolution des droits dans un cadre contractuel. Je souhaite
que les conclusions de cette réflexion me soient remises
avant la fin de l’année."
Pour voir la
totalité du discours
Pourquoi
Hourtin ?
mis
en ligne le jeudi 26 août 1999
L
e
village de vacances est devenu un nom important de lhistoire
de lInternet français. Il a suffi dun discours
de Jospin, en 1997. Et cette année, Lionel is back
|
Les
élus de la station balnéaire auraient pu en faire
un slogan : Hourtin, ses plages, son île, ses plages
de nudistes, ses discours
La petite cité girondine
qui accueille chaque année lUniversité dété
de la communication a connu son heure de gloire il y a deux ans,
quand Lionel Jospin y a prononcé ce qui peut presque être
considéré comme le discours fondateur du développement
de lInternet en France : le Discours de Hourtin.
Avec une majuscule. Le nouveau premier ministre disait, en substance
: le minitel, cest bien, mais lavenir sappelle
Internet et la France doit sy mettre très vite pour
rattraper son retard. Cétait la première
fois quun homme politique de ce niveau posait, officiellement,
le problème du réseau des réseaux. Brusquement,
ce qui était considéré par les instances
comme un amusement dinformaticiens, devenait sérieux,
important même. En quelques mots, Jospin avait amorcé
la prise de conscience. Deux ans plus tard, le premier ministre
revient à lUniversité dété.
Ce soir, il parlera. Tout est prévu. Les gendarmes ont sillonné
le site avec des représentants de la préfecture pour
sassurer de lefficacité des mesures de sécurité.
Le réseau se prépare aussi à diffuser, en images,
le discours qui tout le monde lannonce , ne sera
pas anodin (voir notamment le site
de Matignon ou CanalWeb).
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Inconnus compétents et stars plus ou moins inspirées
On espère, en tout cas, quil sera plus novateur que
celui de Catherine Trautmann qui, lundi, navait visiblement
soit rien à dire, soit rien envie de dire avant son boss.
Les étudiants de lUniversité dété
(dont la moyenne dâge frôle quand même la
cinquantaine) ont pu également assister à un nombre
très respectable de débats sur des thèmes variés
:Les enjeux dInternet pour les handicapés,
Spiritualité et société de linformation
: les nouveaux prédicateurs, Communication dentreprise
: lillusion de la transparence, ou encore Les
nouveaux chemins de lenseignement à distance.
Animés par des inconnus compétents ou des stars plus
ou moins inspirées (la liste des invités prestigieux
court de Jean-Marie Cavada à Elisabeth Guigou, Marc Blondel,
Yvan Levaï, Joël de Rosnay ou Dominique Strauss-Kahn),
les débats sont souvent intéressants. Même si
le niveau de lauditoire est très inégal, Hourtin
nest pas le rendez-vous des professionnels du multimédia.
La plupart des inscrits sont issus de ladministration (...ducation
nationale, la Poste, les ministères
). Ils viennent
ici pour apprendre, comprendre, tout en profitant du cadre.
Un endroit où il faut être vu
Les intervenants et les exposants sont, eux, des professionnels
ravis de présenter leurs productions, leur savoir. Après
tout, Hourtin est aussi un endroit où il faut passer, être
vu, être cité. Ce nest pas là la moindre
des qualités dun événement estival devenu
une institution, mais dont tout le monde ne sait pas se servir.
En 1996, Alain Juppé, Premier ministre mais aussi maire de
Bordeaux la voisine, était venu inaugurer lUniversité
dété. Plusieurs de ses conseillers lui proposèrent
de faire un discours fort sur limportance dInternet
et des nouvelles technologies. Il y renonça pour ne pas froisser
France Télécom, toujours grand argentier du minitel.
Lannée suivante, Jospin fit ce discours. Et cest
lui qui, pour les internautes, est entré dans lhistoire