Deux associations "wifistes" sollicitées pour le marché, puis oubliées par la Mairie de Paris
France Télécom serait sur le point prendre en charge la mise en place d’un réseau de connexion sans fil à internet (réseau Wifi) dans le 13ème arrondissement. Un réseau qui a pourtant fait l’objet d’un appel d’offres lancé auprès de deux associations, actives dans le domaine du déploiement du Wifi depuis des années : Paris-SansFil et France Wireless. Un réseau dont la mise en place, selon les associations concernées, ressemble plus à un coup de pub en faveur d’un homme politique qu’à une volonté de permettre l’accès du grand public au haut débit...
Fin 2002, Jérome Relinger, un informaticien conseiller d’arrondissement à la mairie du 13e, souhaite lancer une expérience pilote en matière de Wifi. Il décide la mise en place de six "hot spots" (des points d’accès au réseau auxquels les possesseurs d’ordinateurs portables ou de PDA peuvent venir se connecter) dans des quartiers de l’arrondissement. Il est pressé. Barbara Lux, sa collaboratrice, explique : "Il voulait être un des premiers à faire connaitre les avantages du Wifi au grand public. Il comptait distribuer des cartes d’accès Wifi à une centaine de volontaires et organiser un gros coup médiatique."
Très vite, le projet obtient l’aval de la Ville de Paris qui accepte de subventionner l’opération. Un tiers de l’argent doit servir à la mise en place des "hot spots", deux tiers à la communication autour de l’opération. La mairie du 13e lance un appel d’offres pour la fourniture du matériel et la mise en place du réseau.
Deux associations spécialistes du Wifi répondent : Paris-SansFil et la fédération France Wireless. Côté Paris-SansFil, le projet ne fait pas l’unanimité. "L’idée que les hot spots soient réservés à un groupe restreint d’utilisateurs allait à l’encontre de notre volonté de permettre au plus grand nombre d’accéder au Wifi, explique Thomas Papiernick, l’un des membres fondateurs de Paris-SansFil. On a senti qu’il s’agissait plus de faire mousser Jérôme Relinger auprès de ses supérieurs que de permettre l’accès au haut débit au plus grand nombre."
Chez France-Wireless, l’appel d’offres est pris plus au sérieux, même si les membres considèrent eux aussi que la part du budget consacrée à la médiatisation est disproportionnée par rapport à l’argent destiné à la mise en place du réseau. L’association rend à la Mairie du 13e un dossier soigneusement construit, qui répond parfaitement au cahier des charges. "Le devis était cher, mais nous avions prévu suffisamment de matériel, du personnel rétribué et surtout, des moyens de sécurisation dignes de ce nom", explique Marc Revial, président de la fédération France Wireless.
Le 28 janvier 2003, Jerôme Relinger contacte les deux associations : il préfère l’offre de Paris-SansFil, "dont le projet coûtait bien moins cher", précise Barbara Lux. Côté France Wireless, qui a pris connaissance du projet Paris-SansFil, c’est la surprise. En mars 2003, son président Marc Revial envoie un mail à Jérome Relinger, lui précisant que les mesures de sécurisation des données prévues par Paris-SansFil ne sont pas suffisantes.
Aujourd’hui, Marc Revial explique : "L’authentification de la connexion prévue par Paris-SansFil devait se faire uniquement sur le matériel, via les adresses Mac (numéros de série de cartes réseau, Ndlr) des cartes Wifi distribuées par la mairie." Il ajoute : "Aucune authentification des utilisateurs n’était prévue. Outrepasser cette pseudo protection aurait demandé moins d’une minute : quelle contre-publicité pour le monde du Wifi, déjà pointé du doigt pour ses problèmes de sécurité !"
Souhaitant obtenir des explications sur le choix de la mairie du 13e, un des membres de France Wireless contacte directement Pierre Rival, le directeur de Cabinet de Danièle Auffray, adjointe de Bertrand Delanoé en charge des nouvelles technologies. Pierre Rival répond que la Mairie de Paris n’est finalement "pas pressée de financer un projet Wifi", et que de toute façon, "un opérateur s’annonce prêt à payer pour mettre ce réseau en place" !
De quel opérateur peut-il s’agir ? Chez France Télecom, qui propose depuis quelques mois des services de mise en place de réseaux Wifi, l’attaché de presse reste prudent : "Il est possible que nous participions à cette opération dans le 13e arrondissement, mais France Télécom ne communique pas sur les contrats commerciaux tant qu’ils ne sont pas signés."
Une affaire à suivre pour savoir qui, des opérateurs ou des associations, emportera le budget destiné à la création du réseau. A moins que le projet pilote du 13e, concurrencé par une opération similaire menée dans le 3e arrondissement, ne tombe définitivement aux oubliettes.
Il y a encore deux ans, le Wifi était réservé à quelques spécialistes de l’informatique voulant connecter plusieurs ordinateurs sans fil avec du haut débit. Cette solution, qui utilise des ondes radio, était aussi perçue comme une alternative peu coûteuse au câble et à l’ADSL, et particulièrement utile pour se connecter à internet dans les régions peu peuplées, oubliées par les opérateurs. Aujourd’hui largement médiatisé, élevé au rang de phénomène de mode, le Wifi représente un enjeu commercial dont bon nombre d’administrations, d’entreprises et d’opérateurs comptent bien tirer profit. Bien loin des idées communautaires défendues par les pionniers de cette technologie...