"Intelligente" ou seulement "éclair", une foule de 1000 à 2000 personnes est attendue
Paris devrait accueillir ce soir à 18h51, à l’entrée du jardin des Tuileries, le premier flash mob français. Apparus pour la première fois en juin dernier à New York, ces rendez-vous mystérieux, surprenants et ludiques, auxquels se rendent des participants prévenus au dernier moment via internet ou SMS, se répandent rapidement à travers de nombreuses villes du monde. Aux Etats-Unis, certains s’interrogent sur la dérive commerciale du phénomène. Les Français profitent de leur retard pour tenter d’échapper à cette récupération.
"Cher flashmober, soyez très attentif à votre boîte mail le 28 août en début d’après-midi : les directives que vous attendez y seront." Voici le message sibyllin qu’ont reçu, il y a quatre jours, les 1000 à 2000 personnes inscrites sur la liste de diffusion du site Parismobs, créé par les organisateurs du tout premier flash mob français.
Apparu à New York en juin dernier, ce phénomène a connu un succès rapide aux Etats-Unis (lire Les "foules intelligentes" se déploient dans les villes américaines). Durant l’été, partout dans le monde, de nombreuses grandes villes ont rejoint le club de moins en moins privé des adeptes du flashmobbing.
Les flash mobs, ou "foules éclair", constituent une application souvent festive, plutôt frivole et parfois artistique, du concept originel de smart mobs ("foules intelligentes"), développé par l’intellectuel américain Howard Rheingold (lire son interview). Action collective d’un genre nouveau, un flash mob rassemble des personnes qui ne se connaissent pas. Prévenus par email ou SMS sur le lieu, l’heure et la nature du rassemblement, les participants se retrouvent pour exécuter un scénario chronométré, sans signification aucune : mouvements de gymnastique dans une rue de Berlin, cris d’oiseaux à Central Park, recherche d’ouvrages inexistants dans une librairie romaine. Au bout de quelques minutes, chacun repart aussi vite qu’il est venu. "Un flash mob doit apparaître et disparaître en une seconde, confirme Jean-Luc Raymond, responsable du blog français mediaTIC. C’est une bulle individuelle et une réunion collective en même temps, une expérience à la fois tribale et enfantine."
Querelles d’historiens
Depuis la mi-juillet, le site français Parismobs accueille les inscriptions des internautes qui souhaitent participer à un flash mob dans la capitale. Les trois créateurs du site, qui souhaitent rester anonymes "afin de ne mettre en avant que l’événement lui-même", présentent le flash mob d’aujourd’hui comme la première manifestation de ce genre en France.
Mais s’agit-il vraiment du premier flash mob français ? Sur internet, le bruit court qu’un premier flash mob aurait eu lieu à Toulouse le 23 juillet dernier. Blogorrhee.com publie une photographie de la manifestation toulousaine et évoque la nature incertaine de cet événement. Flash mob ? Manifestation d’intermittents du spectacle ? Rassemblement de Raëliens ?
Selon un des créateurs de Parismob, au mois d’août, une escouade de jeunes gens uniquement vêtus de maillots de bain aurait fait irruption dans une boutique parisienne de l’enseigne de design Muji. Là encore, difficile de savoir s’il s’agissait réellement d’un flash mob...
Une chose est sûre, le phénomène est en marche : à Paris comme en province, les annonces de flash mob se multiplient.
Concernant la capitale, un site concurrent de Parismob, FlashMobParis, en ligne depuis le 23 août, annonce un rassemblement pour la semaine du 25 août.
En province, Toulouse annonce un deuxième flash mob sans préciser de date ; NiceMobs souhaite organiser le premier flash mob de la Côte d’Azur, et le webmaster de LilleMobs, qui avoue ne recenser que 70 inscrits sur son site créé mi-août, compte sur le bruit que fera le flash mob parisien d’aujourd’hui pour attirer les internautes du Nord.
Foule ou troupeau ?
Mais le flashmobbing n’a pas que des adeptes. Contre-pied en forme de clin d’oeil, l’Antimob Project, qui se méfie des foules désordonnées (mob a une connotation péjorative en anglais), propose des actions visant à provoquer l’effet inverse d’un flash mob : "Imaginez Grand Central (la principale gare de New York, ndlr), un jour de semaine, à 17h, complètement vide."
De son côté, sur mediaTIC, Jean-Luc Raymond remarque que rien n’empêche certains organisateurs de flash mob, protégés par l’anonymat, de céder à bon prix leur liste de diffusion à une entreprise. Il note aussi qu’une marque peut organiser secrètement un flash mob dans ses propres magasins. Ainsi, le 7 août, deux flash mobs importants se sont tenus dans les magasins de jouets Toys R Us : l’un à Toronto (Canada), l’autre à Manhattan (New York). Pure coïncidence ou discrète opération commerciale ? Sur cheesebikini, l’Américain Sean Savage avertit : "Ne soyez pas des moutons ! Réfléchissez avant de suivre les directives d’un flash mob. N’achetez rien ni pendant, ni après le flash mob, ni durant votre trajet jusqu’au rendez-vous."
De leur côté, les organisateurs de Parismobs souhaitent se distinguer de certaines expériences étrangères. Définitivement arrêté depuis le 26 août, le choix de l’imminent rendez-vous s’est délibérément porté non pas sur un magasin ou une galerie commerciale, mais sur un lieu public : le jardin des Tuileries.
Jusqu’à quatre heures avant la manifestation, les organisateurs refusaient de révéler le lieu du Flashmob, y compris à la préfecture de police. "Il y aura sûrement des agents en civil parmi les mobbers ou une patrouille à proximité, suppose-t-on à Parismobs. Nous faisons tout pour ne leur donner aucune raison d’intervenir."
Du succès de ce premier flash mob dépend sans doute la confiance que les internautes accorderont à Parismobs. Les trois organisateurs échafaudent déjà des projets d’amélioration du site. À commencer par la création d’un forum où chacun pourra donner son avis sur le flash mob précédent, et émettre des suggestions pour l’édition suivante. "Pour que Parismobs ne reste pas notre création, pour que les Parisiens se sentent concernés et se l’approprient. "
Les futurs participants ne les ont pas attendus. Indépendamment des organisateurs, un moblog collectif a été ouvert par des internautes anonymes pour accueillir les messages et les photos qui seront postées depuis les téléphones portables en direct du flash mob.