Des journalistes et des universitaires français ont créé en octobre un Observatoire des inégalités. "Organisme indépendant de tout mouvement politique", cette association publie sur son site www.inegalites.org des données chiffrées et des analyses à l’attention du plus grand nombre. Pour les initiateurs du projet, informer le public sur la situation sociale est une manière de lutter contre la montée de l’extrême-droite et de rétablir le lien entre démocratie et citoyens. L’Observatoire envisage d’éditer chaque année un rapport sur les inégalités.
"Cela fait longtemps que chacun d’entre nous réfléchit aux inégalités, mais il y a eu le choc du 21 avril 2002 avec le score de l’extrême-droite aux présidentielles. Que faire concrètement ? Nous pensons que l’une des réponses possibles consiste à informer les citoyens, à poser les clés du débat sur les inégalités", explique Louis Maurin, journaliste au mensuel Alternatives économiques et l’un des fondateurs de l’Observatoire.
Majoritairement constituée de journalistes professionnels, l’équipe, qui fonctionne sur la base du bénévolat, compte en son sein Patrick Savidan, directeur adjoint de l’UFR de philosophie et de sociologie de Paris IV, et peut s’appuyer sur un comité scientifique d’universitaires dans lequel on trouve, entre autres, les sociologues Monique Pinçon-Charlot, Marie Duru-Bellat ou l’économiste Thomas Piketty.
Inégalités de revenus, écarts dans l’accès à l’éducation ou aux soins, différences homme/femme ou ruraux/citadins, ce sont tous ces aspects que le site inegalites.org, ouvert depuis la mi-octobre, entend aborder.
Inégalitaire ou hypocrite...
"Notre site n’aurait pas lieu d’être si le service public publiait correctement ce genre d’informations sur les inégalités, estime Louis Maurin. Mais, par exemple, les données les plus récentes sur la répartition des revenus du patrimoine datent de 1996 ! C’est un scandale du point de vue de la démocratie et cela permet tous les discours ! Aux Etats-Unis, ce type d’information est public. La société américaine, qui est plus inégalitaire, est aussi moins hypocrite..."
L’autre objectif de l’Observatoire des inégalités est, selon le journaliste, d’alerter les grands partis de gouvernement sur l’urgence de la situation. "Ils sont en train de scier la branche sur laquelle ils sont assis", juge Louis Maurin.
L’Observatoire revendique clairement l’absence de tout lien avec des partis politiques ou d’autres associations. "Mais ’indépendance’ ne veut pas dire ’apolitisme’, explique Louis Maurin. Nous défendons un certain nombre de valeurs, dans lesquelles des gens de gauche ou de droite peuvent se reconnaitre : les idées de partage, de solidarité, de désintéressement... Pour nous, il ne suffit pas d’offrir à chacun des conditions totalement équitables dans le cadre de la compétition pour bâtir une bonne société."
Pour l’instant financé uniquement par des dons, l’Observatoire espère trouver des financements extérieurs. Cela permettrait, entre autres, d’éditer un rapport annuel sur les inégalités.