Une opération commerciale de l’Afnic, l’organisme responsable des noms de domaines en " .fr ", suscite le mécontentement de responsables associatifs. Qui du coup poussent le " .org " contre le " .asso.fr ".
"C’est une opération Auchan", proteste-t-on d’un côté. "On ne fait pas une opération caritative", réplique-t-on de l’autre. Les termes de l’affrontement sont fixés et laissent peu de place au débat. Le différend oppose différentes associations prônant un Internet solidaire à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (Afnic), responsable des noms de domaine en .fr. Celle-ci va lancer le 1er juillet et jusqu’à la fin de l’année une opération commerciale pour "célébrer le centenaire de la loi de 1901" relative aux associations à but non lucratif. Le marché : proposer aux associations encore absentes du Net un nom de domaine en .asso.fr qui sera gratuit pour la première année. Mais payant ensuite. Pour cela, l’Afnic a mobilisé certains de ses membres (pour une grande partie prestataires de services Internet), qui choisissent de ne pas percevoir, la première année, les sommes demandées normalement pour la création et l’hébergement d’un nom de domaine.
Clientèle captive
Ainsi l’Afnic demande-t-elle 18 euros (environ 120 francs) pour la création d’un nom de domaine à un prestataire, puis 15 euros par an (97 F) pour la maintenance de l’adresse. En moyenne, les entreprises associées à l’opération contactées par Transfert prévoient de refacturer aux associations entre 200 et 450 F pour le renouvellement des noms de domaines. "La marge n’est pas scandaleuse en soi", estime Emmanuel Vandamme, de la coopérative Insite. Elle se justifie par les démarches auxquelles donne lieu la création d’une adresse. Les prestataires se rattraperont donc sur les services associés, comme l’hébergement. Ainsi la société Ear France, qui proposera une page gratuite avec le nom de domaine compte ensuite facturer 500 francs par an pour héberger cinq pages. Pour l’association Iris (Imaginons un Réseau Internet Solidaire), première à être montée au créneau, c’est le meilleur moyen de retenir une clientèle captive, après l’avoir attiré par la gratuité, parce que les associations ne sauront pas comment transférer leurs adresses. Car le succès de l’opération se fera sans doute auprès de celles qui ne voudront pas se compliquer la vie avec leur site. Chargée de la communication de l’Afnic, Claude Titina rappelle que la maison "recommande explicitement de bien choisir son prestataire (...) et qu’elle n’est pas responsable des prix pratiqués sur le marché".
Les associations, un nouveau marché
"Désormais, je recommande aux associations d’enregistrer leur nom en .org", assure Erick Aubourg, directeur de Globenet, hébergeur associatif. Elles n’ont pas, ainsi à fournir tout un tas de justificatifs". Comme celui de leur statut associatif. La société Gandi.net propose, par exemple, un hébergement de nom de domaine à 12 euros par an (environ 78 F) mais le client se charge lui-même d’indiquer les caractéristiques techniques de son adresse à son hébergeur. Mais au-delà d’une histoire de sous, c’est avant tout la démarche de l’Afnic qui est critiquée. "Après avoir épuisé le marché du .fr auprès des entreprises, elle s’attaque aux associations", analyse Gérald Elbaze, de Médiacités , qui épingle la " marchandisation du statut juridique du milieu associatif ". Pour Erick Aubourg, "le nommage en .asso.fr devient clairement du business". Les prestataires de l’opération, il est vrai, sont pour la plupart des structures tout ce qu’il y a de plus commerciales. Valérie Peugeot, de l’association Vecam (qui recommande aussi le .org), remarque qu’en Angleterre, l’organisme chargé de la commercialisation des futurs .coop a prévu de reverser une partie de son chiffre d’affaires à un fonds pour la démocratisation de l’Internet. Cette démarche inspirera-t-elle l’organisme chargé des .fr ? "On ne fait pas une opération caritative (...) chacun fait du commerce", se défend sa chargée de communication. La logique, sans doute, n’est pas la même.