Cette année, l’attraction du salon Linux World, qui se tient au Palais des congrès du 1er au 3 février, était sans conteste la présence de Richard Stallman, le gourou du mouvement des logiciels libres. Rencontre.
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Transfert |
Un
groupe de jeunes surexcités se pressent autour
d’un petit homme à longue crinière
et grosse barbe qui leur parle en faisant de grands
gestes. Est-ce un nouveau prophète, un gourou
? Presque. La scène se passe au salon Linux
World, qui se tient au Palais des congrès de
Paris depuis le 1er février. Le personnage
pittoresque, c’est Richard Stallman, le père
du mouvement des logiciels libres et le président
de la Free Software Foundation. Et les jeunes tout
émoustillés, ce sont des linuxiens ravis
que leur idole se trouve sur le stand de l’association
APRIL (Association pour la promotion et la recherche
en informatique libre)...
Grand gourou baba-cool, Richard Stallman porte, sans
interruptions depuis le matin, sa parole éclairée
à ses admirateurs. Affublé d’un
pantalon marron défraîchi et d’une
chemise sans forme aux couleurs indéfinissables,
il déambule, dans ses moments de repos, en
chaussettes trouées. Certains exposants en
costumes stricts le fixent, vaguement intrigués.
Il s’en moque. Il esquisse quelques pas de danse
bulgare - il raffole du folklore -, histoire
de se dégourdir les jambes. Il semble tout
heureux de pouvoir parler encore et encore de "son
combat pour la liberté".
Liens
de l’article :
http://www.gnu.org/people/rms.html
http://www.april.org
Interview
)transfert : Que
représente, aujourd’hui, pour vous, le
mouvement du logiciel libre ?
Richard Stallman : Le mouvement du logiciel
libre existe pour une idée, un but : montrer
aux gens les voies de la liberté. C’est
d’ailleurs la philosophie du mouvement. Ceux
qui choisissent le système uniquement pour
ses avantages pratiques ne peuvent pas être
considérés comme faisant partie du mouvement.
Car, le grand risque, c’est que ces gens-là
acceptent, un jour, des logiciels propriétaires
uniquement parce qu’ils sont plus faciles à
utiliser, plus fiables, plus pratiques.
Les gens qui m’intéressent sont ceux qui
utilisent des logiciels libres en apprenant à
défendre la liberté car ils resteront
fidèles à cette philosophie. La liberté,
c’est de diffuser des copies, de sortir et de
publier des versions améliorées de logiciels,
pour soi mais aussi pour les autres... Le problème
avec le succès de Linux, c’est que tout
le monde parle du système et de ses avantages,
en oubliant ce que cela représente vraiment.
Vous
luttez justement contre la confusion entre Linux et
le mouvement du logiciel libre... Cela vous agace
vraiment ?
- C’est une erreur tellement commune ! Le mouvement
que j’ai lancé et auquel je participe
permet de modifier et d’améliorer tout
logiciel, grâce à l’accès
libre de son code source. La plupart des gens utilisent
aussi le terme Linux, tout seul, pour désigner
le système d’exploitation. C’est
une méprise. Le système d’exploitation
c’est, Gnu-Linux. Linux, ce n’est que le
noyau du système. De plus, Linux fonctionne
avec des logiciels ajoutés qui ne sont pas
forcément libres. Le succès de Linux
finit par détourner la communauté de
son but originel... C’est pour ça que
j’essaie de corriger cette idée.
Le succès de Linux a pourtant permis de
mettre en avant votre mouvement ?
- Oui, c’est vrai. Mais, très vite, le
mouvement du libre a été relégué
au second plan. Au début, nous nous disions
que la première étape devait être
de faire connaître le système d’exploitation
Gnu-Linux afin que les gens l’utilisent. Pendant
six ou sept ans, on a effectivement beaucoup travaillé
dans ce sens. Et finalement, on a oublié la
deuxième étape. On a oublié de
promouvoir l’idée de liberté et
de faire en sorte que les gens l’apprécient.
Il y a eu un vrai déséquilibre.
N’y a-t-il pas, alors, une contradiction à
vous retrouver ici au salon Linux ?
- À partir du moment où l’on me
propose une conférence en public, c’est
toujours un moyen pour moi de répéter
les idées du mouvement. Je suis ici pour défendre
une cause pas pour représenter Linux. Et puis
j’adore venir en France...