Au Salvador, le directeur d’un opérateur de téléphonie vient d’être kidnappé. C’est lui qui avait révélé les écoutes téléphoniques illégales auxquelles collaborait une filiale locale de France Télécom.
Au Salvador, la nouvelle a fait l’effet d’une bombe : samedi 8 juillet, Jorge Zedán a été enlevé samedi 8 juillet alors qu’il sortait de chez lui par plusieurs inconnus armés et masqués. L’homme n’est pas n’importe qui : propriétaire de la chaîne de télévision Canal 12, Jorge Zedán est également directeur de l’opérateur téléphonique Saltel, concurrent de CTE-Telecom (dont France Télécom détient 51 %). C’est lui qui a rendu public le scandale des écoutes téléphoniques en portant plainte auprès de la Superintendencia de Electricidad y Telecomunicaciones (SIGET) (lire France Télécom joue les espions au Salvador). Ce qui a valu une amende de 60 000 dollars à CTE-Telecom pour "violation du secret des communications". Plus troublant encore, son enlèvement intervient au moment même où plusieurs responsables ou ex-responsables des télécommunications et des services secrets sont entendus par le procureur de la République et les députés, qui tentent d’éclaircir cette affaire.
"Drôle de coïncidence"
La police nationale ne dispose que de très peu d’indices pour l’instant et sa tâche n’est pas facilitée par la famille de l’homme d’affaires qui n’a toujours pas porté plainte. "Nous ne pouvons pas faire grand chose sans une plainte officielle de la famille", se contente de déclarer le porte-parole de la police. Au sein de Canal 12, les journalistes et responsables de la chaîne ne savent pas quoi penser. L’enlèvement est pris très au sérieux tout de même, tous ne s’exprimant qu’anonymement. "Ce rapt intervient en pleine affaire d’écoutes téléphoniques. C’est une drôle de coïncidence, glisse seulement un rédacteur en chef. Mais les enlèvements sont de plus en plus nombreux dans notre pays depuis quelque temps. Des bandes de délinquants kidnappent des gens riches afin de récupérer une rançon, un peu comme en Colombie." En tout cas, les ravisseurs n’ont toujours pas contacté la famille ou les autorités.
CTE-Telecom continue de nier les faits
Les principaux acteurs de l’affaire ont condamné l’enlèvement, tandis que les auditions se poursuivent chez le procureur de la République et à l’Assemblée nationale. Ernesto Lima, directeur de la SIGET, a confirmé devant les députés que CTE-Telecom avait bien mis sur écoute des lignes de téléphones. "Nous avons vérifié méticuleusement tous les points techniques de cette histoire et je peux vous assurer que plusieurs abonnés étaient sur écoute", a-t-il déclaré. Quant à CTE-Telecom, l’opérateur continue de nier les faits, mais moins vigoureusement qu’auparavant. Gilberto Rodríguez, l’un des gérants de la société, a expliqué au cours de son audition au tribunal, que CTE-Telecom avait "re-routé plusieurs lignes de téléphone afin de décongestionner son réseau". Les députés doivent maintenant entendre l’ancien directeur et l’actuel responsable des services secrets locaux, accusés d’être les destinataires de ces écoutes.