Cela viole la Convention sur les armes biologiques ? Mais c’est une arme "non-létale" !
Le Sunshine Project révèle que l’armée américaine a obtenu le 25 février dernier un brevet pour une grenade servant à délivrer des gaz et aérosols biochimiques. Pour l’ONG créée en 1999 pour lutter contre les armes biochimiques, ce brevet montre comment les Etats-Unis contournent les traités internationaux en développant des armes réputées "non-létales", interdites par la Convention sur les armes biologiques de 1972.
"Rifle-launched non-lethal cargo dispenser" est l’intitulé du brevet N°6 523 478, délivré par l’Office américain des brevets (USPTO). Il désigne une sorte de grenade qui se lance avec un fusil et délivre des gaz "non-létaux".
Déposé le 10 septembre 2001 et accordé le 25 février 2003, le brevet est attribué aux "Etats-Unis d’Amérique, tels que représentés par le Secrétariat de l’Armée (Washington, DC)".
Les armes "non-létales" que cette grenade permet de lancer sont des armes biochimiques sous formes de gaz et d’aérosols : par exemple, "les agents de contrôle des foules, les agents biologiques et les agents chimiques", selon le texte du brevet.
Non-létales mais illégales
Ainsi que le rappelle le Sunshine Project, dans un communiqué du 8 mai, le développement de système d’administration d’armes biologiques est totalement interdit par l’article 1 de la Convention sur les armes biologiques de 1972 dont les Etats-Unis font partie. Le texte précise que l’interdiction vaut "en toute circonstance" et ne prévoit pas d’exception, ni pour les armes "non-létales", ni pour des armes "de défense".
"Le développement d’armes à charges biologiques pose une grande incertitude quant à l’engagement des Etats-Unis envers la Convention pour les armes biologiques, souligne Edward Hammond, de Sunshine Project. 34 ans après avoir renoncé aux armes biologiques, le Pentagone est de retour dans le secteur des bioarmes."
La Convention sur les armes biologiques de 1972, un accord multilatéral de désarmement ajouté au Protocole de Genève de 1925, est entré en vigueur en 1975. Mais, comme le reconnaît l’ONU sur son site, "l’absence de tout régime de vérification formelle pour surveiller la conformité des politiques nationales a limité son efficacité".
Depuis 1991, un groupe d’experts gouvernementaux a tenté de remédier à ce manque. Sans succès pour l’instant. Depuis 1994, les conférences onusiennes sur le sujet se sont succédées pour trouver des dispositions de droit international forçant le respect de la Convention, jusqu’à la cinquième, finalement tenue à Genève en novembre 2002. Sa conclusion : il faut encore des réunions multilatérales pour préparer la sixième conférence, prévue pour 2006...
Fouiller Baltimore plutôt que Bagdad
Connu depuis sa création en 1999 aux Etats-Unis pour ses idées progressistes et pacifistes, le Sunshine Project profite de l’occasion pour souligner l’incohérence et le cynisme de la politique américaine : "Hans Blix aurait sûrement moins de mal à trouver des armes illégales s’il inspectait les environs de Baltimore plutôt que ceux de Bagdad", déclare ainsi, dans le communiqué, Jan Van Aken, un biologiste de l’ONG, basé en Allemagne.
Parmi les "inventeurs" cités dans le texte du brevet figurent en effet deux chercheurs de l’arsenal militaire d’Edgewood, au nord de Baltimore, dans le Maryland.
Pour le Sunshine Project, la grenade brevetée est un exemple de la stratégie des Etats-Unis pour contourner les interdictions internationales. La référence systématique au terme "non-létal" dans le dépôt de brevet, à valeur légale, est un signe de la volonté de mettre en avant ce type d’armes pour rendre floue la limite entre armes illégales et légales. Selon l’ONG, les Etats-Unis s’opposent régulièrement à toute tentative d’amener le débat sur les armes non-létales lors des conférences internationales sur les armes biochimiques.
Le Sunshine Project, qui a publié en ligne une liste des principaux laboratoires américains de recherche sur les armes biochimiques, rappelle régulièrement que ces armes sont offensives autant que défensives et, surtout, qu’elles peuvent être mortelles, malgré leur nom. L’organisation demande leur abolition par traité international.
"US Army Patents Biological Weapons Delivery System, Violates Bioweapons Convention" (communiqué du Sunshine Project):
http://www.sunshineproject.org/publ...
Le texte du brevet déposé par l’armée américaine (USPTO):
http://patft.uspto.gov/netacgi/nph-...
La Convention sur les armes biologiques (ONU):
http://disarmament.un.org/wmd/bwc/
Une ONG joue les inspecteurs de l’ONU aux Etats-Unis (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8502
Les armes "non létales" américaines sont en fait mortelles (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a8550
Bioterrorisme, l’ultime menace? (Transfert.net):
http://www.transfert.net/a7368